ELECTIONS LEGISLATIVES EN GRANDE-BRETAGNE : TONY BLAIR PASSE L'EPREUVE DE TROIS MAIS...

LE PARADOXE BLAIR

Les résultats des récentes élections législatives viennent de consacrer une troisième victoire historique pour le parti des travaillistes et pour son chef de file , Tony Blair , 52 ans et flamboyant leader de gauche qui , à son premier mandat du 1er mai 1997 , inaugurait par sa nouvelle vision de la politique , la " troisième voie" . De 1997 à 2005 , beaucoup de choses ont changé même si le Premier ministre britannique est resté le même . Mettant fin à 18 ans de tchatchérisme rigoriste et de conservatisme ultra-libéral ,  le Tony Blair de ses débuts était ce qu'il était censé d'appeler l'homme de la situation et il tint ses promesses : bonne croissance économique , baisse des impôts et restructuration des services publics . La relance de l'économie et la baisse du taux de chômage constituent , à n'en point douter , les pierres angulaires de son bilan éclatant qui fit même des envieux parmi ses partenaires européens si bien qu'en France ou en Allemagne , des leaders socialistes et socio-démocrates se targuaient d'être tout simplement " blairistes" et partisans de sa fameuse " troisième voie", sacré dosage moderne de mesures sociales appliquées dans un environnement capitaliste ... Ce qui valut au leader du Labour Party le surnom méritoire de " Magic Blair" . Un numéro d'équilibriste qui n'est donné rarement aux politiques d'en faire le délicat exercice avec aussi de grâce et de réussite !

Mais la magie a cessé  de faire ses effets ... l'usure du pouvoir ? Probablement  , mais dans l'absolu , ce n'est point évident . La perte de Tony , c'est la guerre en Irak . Evidemment , c'est l'implication têtue et irraisonnée de la Grande- Bretagne aux côtés des faucons va-t'en-guerre et suprêmement opportunistes de l'administration Bush . Malgré la rue et les protestations , en dépit des sévères mises en garde contre la guerre en Irak sans l'accord onusien de son propre parti ,la menace d'une scission d'une vingtaine de députés de sa famille politique, les démissions fracassantes de Robin Cook et Clare Short de son cabinet , Tony Blair a végété dans le grossier mensonge d'Etat bushien sur les armes de destruction massive présentes à Bagdad . Mensonge qui fera date et qui érodera considérablement la popularité d'un homme présenté comme espoir de la gauche européenne et grand leader parmi les grands de ce monde . Son altantisme aveugle et inconséquent lui valut  d'ailleurs un autre surnom( il doit avoir un génie particulier pour attirer vers lui les images et drôles de clichés ...) des plus humiliants de " caniche de Bush" . L'énigme reste sur cette situation entière : comment un homme du centre-gauche , membre de l'Internationale socialiste puisse s'allier , voire s'aliéner aux durs de l'ultra-droite républicaine états-unienne et commanditer une guerre d'invasion , au mépris de toutes les règles des Nations-Unies ?  La facture reste significative pour son parti : de son score élogieux de 41% en 2001 , il est tombé cette fois-ci à 37% , même s'il garde toujours la majorité absolue .

Ce qui est certain , l'homme a perdu de sa superbe , il  séduit moins mais il serait inapproprié d'affirmer que le modèle Blair a vécu ...Il est déjà reparti pour rappeler qu'il reste l'un des pions essentiels de la construction européenne , en dépit du fantasme souverainiste connu et reconnu de l'Ile d'Outre- Manche. Il tient aussi à apaiser les relations transatlantiques et de servir de " pont entre l'Europe et les Etats-Unis d'Amérique " . Mais il serait illusoire de croire qu'il fera preuve de plus d'Europe que moins d'atlantisme ; la Grande-Bretagne étant par tradition et intérêt géostratégique alliée incontournable et privilégiée des Etats-Unis ...

Sous l'impulsion de son très probable sucesseur , Gordon Brown , chancelier de l'Echiquier et grand artisan de l'embellie économique , Tony Blair travaille à un " Plan Marshall " pour l'Afrique où il reconnaît qu'il s'y passe " l'une des pires tragédies de tous les temps " en matière  de sous-développement , de lutte contre la faim ,de  sida , de pauvreté et de crises socio-politiques .

Sur le plan diplomatique, son mandat sera celui du dialogue et des concessions avec ses partenaires et les autres zones du monde .

Après ce succès inédit dans l'histoire des travaillistes , Tony Blair possède toutes les cartes pour s'imposer à l'histoire et compter parmi ceux qui ont fait le monde . Loin de la " Blairmania " de ses débuts ,il pourra sereinement continuer à faire ce qu'il sait faire de mieux : servir l'intérêt général , et ceci au gré de ses diverses facettes et mutiples personnalités qui font de lui un animal politique d'exception, une énigme humaine ...